LA DÉTRESSE DU PLUVIER

Publié le par christiane loubier

Après les désastres de l'amour

Après les ravages de l'amitié

Après les bourrasques d'encrier

Il doit bien se trouver 

Encore des papillons tigrés 

Annonçant une fête dans la forêt

 

Il doit bien se trouver

Un autre après

La joie du désir 

S’allumant — S'éteignant

Comme la beauté du monde 

Arrogante et sans accès

 

 

 

Christiane Loubier

 

JE VOUDRAIS ÊTRE UNE PIERRE

Publié le par christiane loubier

 

                             À Claude Rivière


Je voudrais être une pierre

D'un chemin abandonné,

Une pierre bien usée

Par d'anciens passages d'hommes,

De chars alourdis de gerbes

Et de troupeaux inclinés.

 

Je voudrais être une pierre

Au sommet d'une colline,

Une pierre ronde et bleue

Au milieu des chênes nains.

Le vent pousserait sur moi

Les aiguilles des pins calmes,

L'odeur de la mer prochaine

Et sèche du romarin.

 

L'hiver, les pluies amicales

Me laveraient doucement

Et dans le chaud de l'été

Un lézard furtif viendrait

Reposer sur mon silence,

Me donner l'essence pure

D'un contact avec la vie

Suffisant pour satisfaire

Un obscur désir secret.

 




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Louis Brauquier
Écrits à Shanghaï (1941-1947)

Louis Brauquier chez lui à Saint-Mitre les Remparts
Source : http://www.louisbrauquier.com/


L'ABRI

Publié le par christiane loubier

L’oiseau aux yeux jaunes

S’est enfui avec les fils d’or de ma maison

 

Je suis restée avec ma tête affolée

Devant mon abri décousu

Et les plis permanents de la nuit

 

 

 

Christiane Loubier

L'IMMOBILE

Publié le par christiane loubier

Vous êtes partis

Puis revenus

Ne venez pas me dire

Que vous avez vu

De plus beaux oiseaux 

Et même de la neige 

D’une autre couleur

 

Ne venez rien me dire 

Je reste ici avec l’hiver 

Qui congèle le printemps

Bien plus que la moitié du temps

 

Je suis née immobile

Avec les épinettes bleues

Les petites mouches noires

Et un mouchoir

Pour le sang et les pleurs

 

Ne venez rien me dire

Je reste ici avec vous 

À fuir les ombres

Les faux reflets

Et les reflets de la faux

 

 

 

Christiane Loubier

POUR TOUT DIRE

Publié le par christiane loubier

Je n’aurai pour tout dire

Écrit sur mon chemin

Que mon incertitude

La buée qui recouvrait la vitre

Mais jamais la fenêtre

Et jamais le chemin

 


Paul Vincensini
Extrait de C'était hier et c'est demain, Anthologie,
Éditions Seghers, « Poésie d’abord», 2004

LES VOIX

Publié le par christiane loubier

Trop de vent trop d’orages

Tu peux tout fuir

Flammes fleurs et foin

Même l’oiseau dans ta main

 

Trop de neige trop de silence

Tu peux tout trahir

Sauf ce qui veut vivre

Dans le jardin des ombres

 

Ces lèvres entrouvertes

Ces voix errantes

Après les grandes pluies

Si près si loin

À la frontière de l’absence

Avant le mur de la nuit

 

 

 

Christiane Loubier