RETOUCHE AU COUCHANT
L'attente aux lèvres closes
lève un doigt
désirs descendant les collines
cornes et laine
ô brume des troupeaux d'où sort un pin nocturne
Daniel Boulanger, Intailles, Poésie/Gallimard, 1991
L'attente aux lèvres closes
lève un doigt
désirs descendant les collines
cornes et laine
ô brume des troupeaux d'où sort un pin nocturne
Daniel Boulanger, Intailles, Poésie/Gallimard, 1991
On se guérit de l’hiver
Bientôt on ne pensera plus
À la tourterelle gelée
Ni à l’amour disparu
Avec le pont de glace
Maintenant que l’oiseau
Est là sur notre épaule
Et tous les autres
Bien plus haut
Je les vois
Je te laisse
Libre comme l’air
On se guérit de l’hiver
Bientôt on ne pensera plus
À l’oiseau disparu
Avec le pont de glace
Christiane Loubier
Abordez-moi avec des gants blancs
Ma vitrine est de porcelaine
Un mensonge exposé
À la brûlure de vos prunelles
Christiane Loubier
La neige courtise la lumière
Mais meurt des faux reflets
La main s’abstient
Fait mine de disparaître
Il est convenu
De ne pas ouvrir les fenêtres
De faire cas de la solitude
De vivre de la chasse subtile à l’ennui
D’attendre encore le printemps
Fidèles l’herbe et le lilas
Nous seront donnés
Plus d’une fois
Christiane Loubier
Près des archanges de pierres
Sur le seuil du soir
Trois tourterelles encerclent
Le temps qui fuit
Sous les vieux remparts
À la nuit montante
Un soldat de décoration
Épuise l’herbe et l'hiver
Pas une feuille ne bouge
Sous les vieux remparts
Au pied de l’échafaud
Éclairé par la même neige
Un rond bénit d’oiseaux
Pique le foin
Dans la lumière qui meurt
Sous les vieux remparts
Christiane Loubier
à Gilbert Koull.
J'ai su pourtant donner des ailes à mes paroles,
je les voyais tourner en scintillant dans l'air,
elles me conduisaient vers l'espace éclairé ...
Suis-je donc enfermé dans le glacial décembre
comme un vieillard sans voix, derrière la fenêtre
à chaque heure plus sombre, erre dans sa mémoire,
et s'il sourit c'est qu'il traverse une rue claire,
c'est qu'il rencontre une ombre aux yeux clos,
maintenant
et depuis tant d'années froide comme décembre …
Cette femme très loin qui brûle sous la neige,
si je me tais, qui lui dira de luire encore,
de ne pas s'enfoncer avec les autres feux
dans l'ossuaire des forêts? Qui m'ouvrira
dans ces ténèbres le chemin de la rosée?
Mais déjà, par l'appel le plus faible touchée,
l'heure d'avant le jour se devine dans l'herbe.
Philippe Jaccottet, Poésie 1946-1947, Poésie/Gallimard