HEURES D'HIVER
Nous avons fermé trop tôt les volets
Maintenant on coupe la forêt pour Noël
Le temps s’écoule en chutes de neige
En bourrasques — en grésil
Verglas de blessures
Le sang glacé des heures
Saison qui détourne du temps
LES EFFARÉS
Noirs dans la neige et dans la brume Au grand soupirail qui s'allume, Leurs culs en rond, A genoux, cinq petits – misère ! – Regardent le boulanger faire Le lourd pain blond... Ils voient le fort bras blanc qui tourne La pâte grise, et qui l'enfourne Dans un trou clair. Ils écoutent le bon pain cuire. Le boulanger au gras sourire Chante un vieil air. Ils sont blottis, pas un ne bouge, Au souffle du soupirail rouge, Chaud comme un sein. Et quand, pendant que minuit sonne, Façonné, pétillant et jaune, On sort le pain; Quand sous les poutres enfumées, Chantent les croûtes parfumées, Et les grillons, Quand ce trou chaud souffle la vie Ils ont leur âme si ravie Sous leurs haillons, Ils se ressentent si bien vivre, Les pauvres petits pleins de givre, – Qu'ils sont là, tous, Collant leurs petits museaux roses Au grillage, chantant des choses, Entre les trous, Mais bien bas, – comme une prière... Repliés vers cette lumière Du ciel rouvert, - Si fort, qu'ils crèvent leur culotte, - Et que leur lange blanc tremblotte Au vent d'hiver... Arthur Rimbaud Les cahiers de Douai (1870)
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Source de l'image : gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France
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