LES ANCÊTRES

Publié le par christiane loubier

D'aussi loin que je me souvienne
Ils étaient faits pour le bonheur
Pour une vie trop quotidienne
Et pour le pire et le meilleur

Je parle d'eux sans les nommer
Car vous portez un peu leurs noms
Je sais qu'ils étaient pauvres et bons
Qu'ils étaient tous parents ensemble
Et qu'ils savaient tenir le coup
Du mois de janvier au mois de décembre
Et qu'ils aimaient prendre un p'tit coup
Et qu'ils aimaient aussi la danse

Je les revois grandeur nature
Enlacés pour danser la gigue
Et les croix de leurs signatures
Me font signe de leur fatigue

Je parle d'eux pour me convaincre
Qu'ils n'ont eu ni tort ni raison
Que survivre c'était déjà vaincre
Et il fallait bâtir maison
Mais le jour des morts est passé
Fini le temps des survivants
Je ne veux pas d'un beau passé
Pour me consoler du présent

Les yeux faits pour la vigilance
Courbés entre l'arbre et le vent
Ils se taisaient mais leur silence
Nous a servi de paravent

Je parle d'eux par habitude
Ce que j'en dis c'est pour conter
L'histoire de leur servitude
Et pour enfin me révolter
Contre la peur et la quiétude
Et c'est pour enfin récolter
Ailleurs que dans la solitude
Ce pour quoi ils ont patienté

D'aussi loin que le temps nous vienne
Ils nous vient un peu des aïeux
Leurs noms se mêlent à nos poèmes
Fini le silence des vieux

Venez voir un peu les ancêtres
On a continué l'univers
Le jour se lève à nos fenêtres
Et les sapins sont toujours verts
Dans notre vive appartenance
À cette terre et à ce temps
Nous n'aurons pas votre patience
Et nous serons payés comptant
 
 
Georges Dor, 1967
 
 

 

 

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