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IMPATIENCE DE RENÉ CHAR
Qui nous consolera, habitant de la terre humiliée? Rosée pacifiante, quand viendras-tu mouiller notre fortune? S'inscrira-t-elle dans nos cœurs, enfin, l'importune de la gloire, déliée? Quel baiser trouverons-nous? Et sur quelles lèvres sans rancune?...
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INSECTE
Comme l’amoureux De la mante religieuse Je me dis Je suis née pour une mort heureuse Je suis née insecte grignotant Sur la marge des feuilles Je connais la force tranquille Des mots inutiles Comme dans les livres Je sais le destin minuscule De la vie...
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LES VÉRANDAS
Avec son poids de sagesse et d’ennui la vieillesse est une source vaine où boivent ceux qui n’ont plus soif dans les villages les vérandas sont les parloirs de l’été du printemps quand il est doux de l’automne quand il tarde on y remue des regrets imprécis...
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GOLGOTHA
Jésus le crucifix au mur de la bouchère Prenait-il en pitié les viandes passagères Dans ce matin fidèle au raffut des chalands Chuchoteurs que les rôts de veau fussent bien blancs Et l'entrecôte mieux fissurée à la graisse, Partant plus tendre. Un peu...
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LA MALENDURANCE
Où sont nos villages debout Qu’avons-nous fait de nos maisons de pierre Et de nos hivers bout à bout Le silence des statues est pesant de mémoire Sur le chemin d’allégeance Nous avons cousu les lèvres de nos épouvantails Et laissé tomber semences et bétail...
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LE MOMENT LE PLUS DOUX...
Le moment le plus doux fut l'attente du bus, les tables du petit café étant à l'ombre des arbres du square où la brise de mer se coulait insidieusement et là je bus un café frappé avant de quitter Gythion, qui ne me réserva guère que ce plaisir éphémère...
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ENTREDEUX
Entre vous et moi La peur du noir L’horreur du blanc La nuit inexpiable Et le vide devant Le souvenir d’un vrai visage L’enfant qui braille Le geai bleu qui craille Le silence authentique Affrontant les tripes Entre vous et moi Le bond du lièvre La parole...
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AU SORTIR D'UN BOIS...
Au sortir d'un bois de chênes envahi par le buis et le lierre (comme par une pensée sévère, ténébreuse sinon funèbre) paraît, au creux d'une combe, un champ d'avoine : alors, de nouveau, un saisissement, un émerveillement, une joie, pourquoi ? Comment...
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RISQUE DE GEL
L’été s’embrume Les étourneaux sont venus Cherchant mangeaille Dans le jardin humide de septembre Sur le chemin qui mène au fleuve Le bleu des asters Mêlé aux fruits rouges de l’églantier Et du sorbier des oiseaux L’été se désallume Les beaux jours abdiquent...
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LA CULTURE CE N'EST PAS...
La culture ce n’est pas avoir le cerveau farci de dates, de noms ou de chiffres, c’est la qualité du jugement, l’exigence logique, l’appétit de la preuve, la notion de la complexité des choses et de l’arduité des problèmes. C’est l’habitude du doute,...
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LIEU COMMUN
6 Interdiction absolue d'appeler la mer un toit tranquille où picoraient des focs. La mer est la mer, un point c'est tout. La tour Eiffel n'est pas une bergère, le Kremlin n'a jamais été un immense gâteau tartare. Défense de pâlir au nom de Vancouver,...
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PRESCIENCE
Ses mains de feuilles froissées Creusent le terreau pour abrier Les rosiers avant l’hiver Il faudra aussi diviser les dahlias Et voiler les plantes fragiles La saison est fidèle La fatigue aussi Elle insiste trop Sur ses vertèbres sacrées Encore aujourd’hui...
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SIBYLLA SAMBETHA
2 J'aime que les bûcherons allument un grand feu dans la hêtraie quand je mets le mot automne sur ma page et qu'en fourrure la fumée bleue festoie. Haches et ramiers à coups d'aile éparpillent les copeaux : pourpre sur la terre, Rome répandue, et moi...
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LA VIGILE
À l'heure où rentre un dernier char de foin les prés laissés sont en proie à la nuit. Le temps naïf se croit maître chez lui mais les jours sont toujours des lendemains. Nous devisons sous la lampe du soir et le ciel vient s'asseoir à notre table en attendant...
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SAISON PIÈGE
Blanc et bleu Le ciel d’aujourd’hui Déverse son espérance Sur des arbres de première neige Mais je les ai vues ces ombres Derrière les pieux de perche Cette saison se sert de la neige Pour ses pièges à lumière L’hiver passera Ou ne passera pas Sans guérir...
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AVANT LE SOMMEIL
VIII Avant le sommeil Les soeurs de ma mère parlaient si bas Que tout devenait de l'ombre Les visages et les voix Jusqu'à l'horloge dans sa cage Qui n'avait plus de chant Une allumette alors brillait Et l'on pouvait entrevoir Mes tantes agenouillées Dans...
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EN BOIS DE PLANCHES
Après toutes ces lunes Ces matins à la une Soleils qui cuisent Étoiles qui se taisent Après tous ces couchers dans un lit Ces levers dans le bruit Échanges de draps — de nids Repassages de vie Après tant de migrations d’oiseaux De remous sur les eaux...
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LA VEILLÉE FUNÈBRE
On ne fait pas de bruit dans la chambre des morts : on lève la bougie et les voit s'éloigner. J'élève un peu la voix sur le seuil de la porte et je dis quelques mots pour éclairer leur route. Mais ceux qui ont prié même de sous la neige, l'oiseau du petit...
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LES FANTÔMES
Aujourd’hui ma nuit est enroulée Dans le temps d'avant L’image du père absent Qui ne venait pas souvent Le visage de ma mère Lorsqu’elle se penchait sur la vie Dans le berceau Dans le jardin Le visage de ma mère emmurée Assoiffée du moindre souvenir luisant...
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CONTINUER À ÉCRIRE...
Continuer à écrire même lorsqu'on croit que l'écriture ne donnera aucune réponse, ne sera aucun chemin, telle est sans doute la pauvreté la plus grande, l'humilité la plus difficile. Mais c'est là, me semble-t-il, la condition pour que la poésie, la littérature...
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LA CORDE
Une nuit J’ai ouvert la grille Sur le jardin des ombres Traces de traîneaux perdus Pattes d’oiseaux sur la neige Pistes de loups éperdus Refus de ces chemins tracés Non je ne franchirai pas La distance de la douleur à l’amour Même si j’entends défleurir...
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SUR LE CALVAIRE DE LOUISFERT
Sur le calvaire de Louisfert S'est posé un soliste ailé, — Sa gorge est couleur capucine, Sa voix est infiniment fine, Son oraison est cristalline, — Il gazouille des airs très doux Au fil desquels revient en litanie Le nom du régent René Guy Cadou. Henri...
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CRÉPUSCULE AU BORD
Crépuscule au bord des fenêtres, fleurs fidèles, corolles chaleureuses, puis la nuit avec ses légendes, ses miroirs sous l'obscurité, la nuit refermée sur les gestes humains, la nuit paisible – et la gourmandise du silence lorsqu'un chat, avec sa tiédeur,...
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L'HEURE PRÉSENTE
J'ai ramassé le fruit, j'ouvre l'amande. Dans la parole La dérive rapide de la nuée. Illusion, L'âtre qui brûlait clair le soir, te souviens-tu, Dans la maison que nous avons aimée. Ce petit bois, Ces boules de papier froissé, ce pique-feu, Cette flamme...
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MATIN DE SEPTEMBRE
Matin de septembre. L'espace a grandi entre les arbres verts qui semblent de profil. Ils regardent tous le soleil en face invisible pour toi depuis la fenêtre. le bouleau se hausse sur la pointe des pieds pour voir la lumière comme au-dessus d'un mur...