AUX BRANCHES DE LA MORT
à Miche et Jean Tordeur Mes amis, mes amours, la salle est si petite Que nos coeurs suffiraient, ensemble, à la chauffer Mais vive les flambeaux, l’âtre qui danse vite Et tous ces chaleureux, les cuivres, les marmites, Les épices, le rhum, le tabac, le café. Dehors le plus grand gel de tout l’hiver s’orchestre. Les fins archets de l’est et du septentrion Célèbrent dans l’aigu la nuit de Saint-Sylvestre Et la sévère terre à l’heure où nous rions Tient plus fort que jamais les défunts sous séquestre. Riez donc, chers vivants, brillez beaux hommes jeunes, Femmes encore en fleur dans votre âge fruitier, Partagez ardemment l’orange et l’amitié, Un soir tout l’avenir sera que vous partiez Observer sans retour le silence et le jeûne. Vous ai-je bien traités ? Dans les sauces profondes Qui doivent leurs saveurs aux quatre coins du monde, Le grand vin susceptible et dévotement bu, Dans le rôti concis, le gâteau qui redonde, Avez-vous savouré l’esprit de ma tribu ? Ah ! Chers civilisés, chères civilisées, Procédons sous le gui à nos rites fervents Tandis que sans raison, sans passion le vent Vitriole de givre et de poussière usée Les saintes des parvis, les maisons, les musées. Qu’un vif brouillon de voix mélange nos passés, Nos songes, nos démons, nos dieux, nos trépassés, Le Brabant, l’Aquitaine et ma ville effrénée Qui fait rieusement ses adieux à l’année Entre Chartres muette et Versailles glacé. Toi, croyant, qui nous vois flanqués d’anges en armes, Vous que Goethe ou Stendhal mieux que la Bible charme, Heurtez vos Gabriel, vos Faust et vos Sorel Et bien enchevêtrés dans un riche vacarme Brassons l’intemporel avec le temporel. A tort et à travers, à bouche que veux-tu Discutez, disputez, bien subtils et bien fauves, Que sous le proclamé rayonne tout le tu Et que dans vos regards, beaux couples bien vêtus, Luisent furtivement vos beaux secrets d’alcôve, Tandis que sans raison, sans plaisir, sans remords La bise de toujours lamine les royaumes, Malmène les oiseaux, les ramures, les dômes Et ce chaud réveillon haut perché qui embaume, Petite orange en fête aux branches de la mort. |
Lucienne Desnoues Les Ors - Ed. Seghers, 1966. Poème mis en musique et chanté par Hélène Martin, sous le titre Mes amis, mes amours. À écouter ici : |
/https%3A%2F%2Fcovers2.hosting-media.net%2Fjpg343%2Fu3700368450543.jpg)
Hélène Martin : Poetes & chansons - lucienne desnoues - écoute gratuite et téléchargement MP3
Album Poetes & chansons - lucienne desnoues de Hélène Martin : écouter gratuitement et télécharger en MP3.
http://www.musicme.com/Helene-Martin/albums/Poetes-&-Chansons---Lucienne-Desnoues-3700368450543.html