Ce soleil blanc au matin, son rayon
dans un verre à midi, bientôt embué,
sa lumière troublée. (Automne
secrètement en larmes?)
Paul de Roux
Poème des saisons, Le temps qu'il fait, 1989
LUNE D'AUTOMNE
Dans le verger
La lumière jaune
Le rouge des pommes
Après le bourgeon la fleur
Maintenant le fruit fatigué
A-t-on vraiment goûté
Aux groseilles des oiseaux
A-t-on vu la fougère
Penchée sur sa mousse
Et la lune rousse
A-t-on vraiment eu le temps
D’attendre le printemps
Christiane Loubier
CHAQUE SOIR, SOUS LA LAMPE ...
Chaque soir, sous la lampe, mon père transcrivait à l’encre
sur un registre à la reliure de carton couvert de toile noire
ce qu’il avait au cours de la journée inscrit au crayon dans son calepin.
C’était tant de fagots ou tant de stères, ou bien le compte de tel
ou tel journalier ou bûcheron à la tâche, ou bien le cube de tel arbre
en grume, de toute façon toujours quelque chose se rapportant
à son commerce de marchand de bois. J’ai encore dans les yeux
ce haut cahier aux pages rayées avec l’année marquée ainsi que
toutes les dates courant au long. Je me dis que selon mon mode
c’est peut-être un peu ce que je fais aujourd’hui, par les écritures
explorant en outre le registre de ma voix.
Robert Marteau
Registre (quatrième de couverture)
RISQUE DE GEL
L’été s’embrume
Les étourneaux sont venus
Cherchant mangeaille
Dans le jardin humide de septembre
Sur le chemin qui mène au fleuve
Le bleu des asters
Mêlé aux fruits rouges de l’églantier
Et du sorbier des oiseaux
L’été se désallume
Les beaux jours abdiquent
Devant la noirceur
Qui tombe de bonne heure
Impression de finitude
Les étourneaux sont venus
Cherchant mangeaille
Dans le jardin humide de septembre
Sur le chemin qui mène au fleuve
Le bleu des asters
Mêlé aux fruits rouges de l’églantier
Et du sorbier des oiseaux
L’été se désallume
Les beaux jours abdiquent
Devant la noirceur
Qui tombe de bonne heure
Impression de finitude
Temps prévu
Risque de gel à l’intérieur des terres
Trop de gel en toute chose
Christiane Loubier
AU SORTIR D'UN BOIS...
Au sortir d'un bois de chênes envahi par le buis et le lierre
(comme par une pensée sévère, ténébreuse sinon funèbre)
paraît, au creux d'une combe, un champ d'avoine : alors,
de nouveau, un saisissement, un émerveillement, une joie,
pourquoi ? Comment choisir les mots qui ne trahiront pas
l'enchantement éprouvé ? Comment à propos de la perfection,
ne pas s'exprimer toujours maladroitement, imparfaitement ?
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Philippe Jaccottet
La seconde semaison, extraits
La seconde semaison, extraits
(Carnets 1980-1994), Gallimard
DES SAISONS
La vie se brise en quatre
Rêverais-je encore à l’hiver
Au merle du printemps
Puis à la lumière de l’automne
Lorsque mes étés
Auront les cheveux blancs
Rêverais-je encore à l’hiver
Au merle du printemps
Puis à la lumière de l’automne
Lorsque mes étés
Auront les cheveux blancs
Christiane Loubier